- TSE (GROUPE)
- TSE (GROUPE)TSE GROUPELe groupe TSE vient à Paris en 1968. C’est un groupe d’Argentins en exil, nés dans le même quartier de Buenos Aires, ayant connu au lycée la même éducation européenne, ayant subi au dehors le même «matraquage culturel» américain à travers la télévision, le cinéma et le Coca-Cola. Le groupe s’est formé en 1966 autour d’Alfredo Rodríguez Arias (né en 1944), et appartient au milieu d’avant-garde qui, pendant une brève période de libéralisme relatif, bouillonne, sur le modèle new-yorkais, dans les galeries d’art, mêlant peinture, sculpture, musique, danse et théâtre.La censure arrête le mouvement. Le groupe TSE arrive à Paris avec un répertoire constitué, trouve à donner quelques représentations quasi «clandestines» au musée d’Art moderne, à l’Épée de Bois. Quand on a la chance de les voir, on est ébloui par leur extrême professionnalisme, et l’ironie hautaine avec laquelle ils appliquent leurs grilles d’analyse au divertissement à l’américaine (Goddess ), au roman (Dracula ) ou à la bande dessinée moderniste (Aventura et Futuras ). Ils explorent la culture dite «mineure», en dégagent les codes et les retranscrivent en évacuant toute émotion et toute psychologie. Les comédiens se transforment en illustrations flamboyantes, en hiéroglyphes subtils.Le public les ignore, le milieu de la mode les adopte. Pour vivre, ils fabriquent des bijoux, des objets de cuir, des accessoires. Copi (1939-1987) leur confie sa pièce Eva Perón (1969), que Facundo Bo joue en travesti. Le texte, fragmenté en séquences, présente un éventail de gestes, d’attitudes, de mimiques appartenant à la comédie musicale, mais joué dans une outrance froide et évidemment sans musique. La générale est glaciale. Les Français ne sont pas préparés à ce mélange d’extravagance et d’intellectualisme. Le spectacle se poursuit tant bien que mal jusqu’à ce qu’un groupe d’extrême droite venge la mémoire d’Eva Perón en perturbant une représentation, en agressant les comédiens, en cassant les décors et en déchirant les costumes. La catastrophe tourne au lancement publicitaire. Les comédiens en jeans jouent sur un plateau nu devant des salles pleines.À l’Épée de Bois, le TSE monte Histoire du théâtre : une suite de tableaux dont l’humour pervers ne cache pas l’érudition; un livre d’images sophistiquées que le texte souligne comme des légendes illustratives, dit sur un ton neutre. Le triomphe dure plusieurs années en France et à l’étranger. S’y ajoutent parfois la reprise de Dracula et de Goddess pour marquer la continuité du travail.Avec Comédie policière , en 1972 à Gémier, le TSE se tourne vers l’univers de Hitchcock et d’Agatha Christie. Le Festival d’automne commande une revue pour le Palace. Le financement n’étant pas suffisant, Arias montre les contours du genre, multipliés en effets de miroirs. L’attrait principal du spectacle est la beauté et le charme de Marucha Bo. Les auteurs de la troupe, Xavier Arroyuelo et Rafael Rodríguez Sánchez, sont partis, ainsi que le décorateur Roberto Plate. Marucha Bo tombe gravement malade pendant les répétitions du nouveau spectacle Vingt-Quatre Heures , à Gémier. Arias fait venir de Buenos Aires une comédienne danseuse qui a travaillé avec le groupe, Marilú Marini, aussi pulpeuse et coquette que Marucha est hautaine et abstraite. Vingt-Quatre Heures , spectacle un peu gâché par les maladresses d’écriture, offre un panorama complexe, qui va de l’opérette à la féerie. Le TSE, endetté, continue son histoire du théâtre avec deux pièces aux Essaïon: Notes (la nostalgie de deux comédiens de Boulevard) et Vierge (luxuriante reconstitution d’un théâtre qui, à Rome, perpétue une tradition naïve).La situation financière est critique. Le théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis propose une coproduction avec les festivals de Chiraz et de Taormina. Ce qui donne Les Peines de cœur d’une chatte anglaise . Portant des masques d’animaux fabuleux qui reproduisent les dessins de Grandville pour la nouvelle de Balzac, les comédiens, grâce à leur travail sur les gestes, redonnent l’ambiguïté des animaux-hommes. L’engouement est tel que le spectacle est repris pendant plus d’un an au Montparnasse, où Arias produit lui-même L’Étoile du Nord . En 1982, il crée Trio , de Kado Kostzel, puis, l’année suivante, La Femme assise d’après Copi, véritable exercice de style et de mise en théâtre de la bande dessinée. Par la suite, Arias met en scène d’autres œuvres de Copi, tout en montant des classiques et des opéras (Les Contes d’Hoffmann et Les Indes galantes , notamment), et même une revue pour les Folies-Bergères, Fous de Folies (1993). L’esprit brillant et parodique du groupe TSE se mêle de nostalgie dans Famille d’artistes (1989) et surtout dans Mortadela (1992), évocation, sous forme de tableaux de music-hall, d’une enfance argentine, toujours avec Marilú Marini.
Encyclopédie Universelle. 2012.